Infiltration et exfiltration de la prison de glace

Lentement mais sûrement, nous approchions des cotes de l'immense iceberg-prison, avec la petite équipe d'opération qui s'était constituée en quelques minutes à peine, juste avant le départ initialement prévu à deux, à savoir Mibu et moi.
D'un coté, j'ai monsieur Abraham Berret, qui dit disposer d'une grande mémoire, quasi instantanée (le terme exact est "mémoire photographique", il me semble) et je pense que ça pourra être grandement utile pour nous repérer sur le terrain et surtout sur le chemin du retour.
De l'autre coté, nous avons le "Baron Corbeau", dont les compétences sont encore assez floues, malgré le résumé qu'il m'en a fait sur la route. Me concentrant majoritairement sur la mission, j'ai eu du mal à enregistrer ces nouvelles informations dans mon esprit et pour l'instant, je me concentre surtout sur les rames.

Mibu était à la proue de notre embarcation, observant silencieusement l'horizon, sa voix perçant quelques fois, pour quelques indications géographiques à mon attention.

-Un peu à bâbord... Encore... C'est bon... Un petit peu à tribord...

Pour ma part, je suivais aveuglément ses ordres, choisissant de me concentrer sur les rames, pour garantir des mouvements aussi fluides que silencieux.

Si je "m'encombrai" d'un des deux hommes à la proue, on aurait du mal à se coordonner et je ne veux pas faire le moindre bruit, y compris des bruits d'éclaboussures ou quoique ce soit d'autre.
Même si le vent est assez fort et qu'un grincement d’origine inconnue, mais qui semble provenir du centre de l'île, je préfère limiter les risques.
Notre point d’amarrage est situé sur le versant Ouest de l'île, qui me semble suffisamment "montagneux", pour camoufler notre arrivée.

-Ralentis Kardelya... Doucement... On va toucher la rive dans cinq... quatre... trois... deux... un... Top!

Je cale la barque contre la petite muraille de glace, haute de trois mètres environ. J’amarre consciencieusement le canot à la glace, avec une corde attachée à un pic enfoncé de deux trois coups de pieds en guise de marteau... Cela devrait tenir jusqu'à notre retour et le petit dénivelé devrait empêcher les soldats Marines de repérer l'embarcation... Beaucoup de "si" pour ce début d'opération, mais je ne peux pas faire mieux pour l'instant.

Prenant de l'élan, je saute les trois petits mètres me séparant de la surface de l'iceberg, observant attentivement les environs... Comme j'avais pu plus ou moins le constater depuis le navire pirate, l'endroit est assez isolé et renfermé: une sorte de gorge faite de glace et nous couvrant assez bien des regards et du vent.
Cette brève observation étant faite, j'enfonce un dernier pic de métal dans le mur, plus proche du sommet et me laisse pendre au bout de métal par les mains, mes pieds pendant vers le bas.
Mibu fait comme à l'entraînement, saisissant fermement mes jambes et je le projette assez violemment vers le haut, d'un mouvement de jambes, pour le faire atterrir sur la glace.
Sauf que je galère d'avantage, à soulever les "deux variables" une par une, à savoir monsieur Barret et le Baron Corbeau, mais j'arrive à les hisser suffisamment haut, même si je commençais à avoir sérieusement mal aux mains.

Je remonte pour finir avec cette partie "accostage", me frictionnant les mains quelques peu refroidies et surtout endolories.

Je murmure ensuite au trio:

-Bon, ne traînons pas d'avantage ici.
Je passe en première, monsieur Barret en deuxième, Mibu en troisième et monsieur le Baron Corbeau en dernier. Vous tiendrez assez fermement la veste de votre "voisin", pour éviter que l'on se perde ou se sépare.
On se fait le plus petit et le plus discret possible, en parlant aussi au minimum. Si vous remarquez un détail sur la gauche ou la droite, vous tapotez l'épaule de la personne devant vous, qui correspond à la direction du détail, qui transmettra ensuite à moi.
L'objectif est de trouver la prison et de s'infiltrer dedans, dés que les pirates ont fait sauter les murs. Sur place, on devra retrouver le capitaine pirate Izya, une jeune femme aux longs cheveux roux, pour ceux qui ne l'auraient jamais vus, en personne ou sur ces avis de recherche.
Sur ce, en route.

J'attends que tout le monde soit en place et je commence à m'avancer prudemment en direction de ce que je pense être le Nord-Est. Et puis, ce mystérieux grincement venant du centre de l'île pourrait être un point de repère, je pense...

Mourir. En effet, il était fort probable que plusieurs d’entre eux meurent au cours de l’opération. Il était même possible qu’aucun ne ressorte de Jotunheim en vie. Le groupe avançait lentement, chacun à sa place, la main sur l’épaule de celui ou celle qui se trouvait devant. Ils progressaient sur la glace et le froid mordant s’infiltrait à travers leurs vêtements. La zone était inégale et ils passaient leur temps à monter et descendre, se dirigeant vers le centre de l’iceberg et les murs de la prison.

Krypt s'était attendu à rencontrer plus de difficulté pour intégrer ce groupe. Visiblement, Kardelya, la blonde, estimait que le moindre renfort allait lui être utile, elle n’avait donc pas beaucoup discuté sur les modalités de sa présence. Il était étonnant qu’une telle opération repose entièrement sur les épaules de cette jeune femme. Malgré sa force indiscutable, elle n’était pas du niveau des formidables adversaires qui allaient les attendre au détour des couloirs de la prison de glace. Et pourtant elle devait bien être deux fois plus forte que le baron. Le jeune garçon qui s’appelait Mibu et Abraham, le roux, étaient moins puissants encore. Une bien curieuse équipe pour infiltrer l’une des plus grandes prisons de la Marine pour y libérer l’une des plus dangereuses prisonnières…

Dans la barque, ils avaient peu parlé. Ils s’étaient brièvement présentés les uns aux autres et avaient abordé leurs compétences respectives, puis le silence avait été de mise jusqu’à ce qu’ils atteignent leur destination. Le Baron Corbeau avait simplement exposé ses compétences en matière d’assassinat, sans aller dans les détails. Il avait gardé pour lui ses nouveaux pouvoirs, préférant conserver un atout dans sa manche, au cas où…

Il était évident que Kardelya menait l’opération, et elle le faisait avec un certain professionnalisme. Ses consignes étaient claires et précises. Elle possédait une force incroyable dans les jambes, force qu’elle mit à profit pour les faire monter sur le gros glaçon.
Elle avançait avec détermination, sans faire de bruit, repérant les zones où la glace était suffisamment solide pour supporter le poids de quatre personnes sans craquer ou provoquer d’éboulis. Le roux semblait analyser le moindre de ses mouvements et les reproduisait avec une précision à la limite de la perfection. Le jeune garçon juste devant Krypt était plus nerveux, la main du baron sur son épaule, ce dernier le sentait trembler. De froid, de peur ou d'excitation, il n’aurait su le dire. Peut-être un peu des trois… En tout cas, c’était ce cocktail qui animait le pirate au corbeau. Le froid glacial du vent, la peur de mourir dans l’ombre, comme un simple pirate sans importance et l’excitation devant ce qu’ils allaient accomplir.

Un léger battement d’ailes se fit entendre et Ghoul vint se poser sur l’épaule de son maître. Les premières impressions qu’il lui transmit furent froid et indignation. Les corbeaux n’étaient pas fait pour des températures aussi basses ! Il avait dû voler bien haut pour ne pas trop attirer l’attention, après tout un corbeau sur un iceberg, il y avait là de quoi se poser des questions. Mais il était une source d’information précieuse pour Krypt. C’était lui qui lui avait appris que le mystérieux grincement qui résonnait était celui de l’immense roue à aube qui permettait à la prison de glace de se déplacer sur l’eau. Et lui encore qui l’alerta de la présence, sur leur gauche, de deux Sans-plumes, deux humains, qui avançaient dans leur direction.

Immédiatement, Krypt tapota l’épaule gauche de Mibu et le signal se transmit aux deux autres membres du groupe. La petite colonne s’arrêta et Kardelya leur fit signe de se camoufler dans une petite crevasse en contrebas. Ils distinguèrent alors des voix qui se rapprochaient de leur position. Deux hommes avançaient sur la glace, emmitouflés dans de chaudes combinaisons blanches, faites pour se camoufler sur la glace. Ils discutaient tout en restant attentifs à leur environnement. Ils allaient passer juste à côté de la crevasse…

Sans un bruit, le baron dégaina la lame de sa canne épée et se tint prêt. Si les deux hommes les trouvaient, il allait devoir agir le premier.

Bon, le point positif, c'était que les deux nouveaux arrivants du groupe étaient "bons élèves" et suivaient attentivement mes consignes.
Au cours d'une infiltration en territoire inconnu et surtout ennemi, la dispersion n'était clairement pas recommandée, à moins de vouloir mourir de manière brutale et prématurée.
Concernant la réflexion de monsieur Barret, je me contente de répondre d'un signe de tête entendu. Au-delà de l'infiltration, il va surtout falloir réussir à exfiltrer le capitaine Izya et j'espère vraiment que la confiance de cet homme en ses capacités n'est pas que l’esbroufe.

La marche est à la fois rapide et prudente. Il y a un mélange de neige et de glace qui rend la progression assez complexe, mais le risque est amoindri, en privilégiant les nombreuses zones de neige.
Cependant, repérer un bâtiment dans cette immense étendue de glace et de neige, avec un semblant de brume couvrant l'horizon, c'est plus complexe que prévu et ce léger bruit de fond de grincement de bois me semble de plus en plus suspect, tout en étant un point de repère intéressant. Le bruit est trop "régulier" pour être une épave se balançant et si c'est une structure créée par l'homme, il est possible qu'il y ait des gens à coté...

Soudain, on tapote mon épaule gauche et je m'immobilise de suite, tournant la tête bien vite, pour repérer une cachette.

-Vite, par-là.

On se glisse tous les quatre dans un renfoncement dans la glace, pour observer discrètement ce qu'il se passe sur la gauche... à savoir deux hommes en combinaison blanche s'approcher de nous.
Une patrouille Marine? Non, je ne reconnais pas l'uniforme Marine sous le manteau, encore moins ce béret ridicule... Des mercenaires? Bah, dans tous les cas, ça ne sert à rien d’échafauder mille et une théories sur eux; autant écouter ce qu'ils disent, car ils semblent bien absorbés par cette dernière.

-Heureusement que tu t'en rends compte maintenant, idiot! T'imagines si c'était la directrice qui s'en était rendu compte?!? Elle nous aurait balancés à la flotte, découpés en petits cubes!

-Je suis désolé, frangin, mais c'est justement pour éviter ça que je préfère m'assurer que la mine 29 est amorcée correctement, parce que l'équipe 5 qui s'en est occupé me semblait complètement à coté de la plaque!

Muette, je prends un moment pour emmagasiner l'information et la ranger dans un coin de mon esprit... Des mines dispersées sur l'iceberg?!? Je m'attendais à des défenses type canons, pour pulvériser toute flotte ennemie, à des remparts... mais des mines, sérieusement?

J'observe les deux hommes se pencher sur quelque chose, frottant prudemment la neige recouvrant ... une plaque métallique?

-Ah, tu vois qu'on avait bien faits de venir! Ces idiots ont oubliés de brancher ce fil!

D'accord, tu avais raison, mais dépêches-toi de régler ça, que l'on retourne à la prison. Déjà que j'aime pas l'idée de traîner ici, avec ces macaques des neiges ou je sais pas quoi là...
Franchement, ils pourraient pas demander des Marines supplémentaires, plutôt que recruter ces "Greygoriis", avec promesse farfelue de les loger, les nourrir et tout et tout?

-Bah, au moins, en les enfermant dans la prison et les galeries, ils les empêchent de s'exploser sur les mines qu'on a installées dans leur tanière. On va pas laisser des espaces de libres pour des intrus, sous prétexte que ces singes habitent sur place.
Et puis bon, c'est sans doute mieux d'avoir ces "Greygoriis" à la prison, en renforts, plutôt qu'avoir une bande de bêtes sauvages déchaînée, lorsque l'un d'eux se serait fait exploser les jambes par une mine.

-Ouais, ouais, si tu le dis. Allez, moins de bla-bla et plus de réparations.
Les pirates commencent à s'agiter et il vaudrait mieux que tout soit prêt pour les...

Une explosion suivie d'un grondement sourd se fait entendre au loin, ce qui fait s'interrompre les deux "frères", qui se regardent un moment, avant que celui penché sur la mine fasse quelques manœuvres fébrilement, avant de recouvrir la plaque de neige. Les deux "mercenaires" partent ensuite rapidement vers la source du bruit...

Je leur laisse quelques secondes d'avance, le temps de récupérer mon Den-Den Mushi et de passer un appel au capitaine Anstis, qui semble avoir commencé les hostilités, si on se réfère au bruit:

-Capitaine Anstis, ils ont placés des mines sur l'iceberg. Soyez prudents en cas d'assaut terrestre.

Raccrochant de suite, j'observe l'horizon et les quelques traces de pas laissées par les deux hommes.

-Bon, suivons-les, eux et ce bruit; on n'a pas mieux pour s'approcher de la prison.
Soyez prudents et marchez sur mes pas.

On repart rapidement mais prudemment, moi en tête, surveillant attentivement le sol, à la fois pour détecter les traces de pas des deux mercenaires et d'éventuelles mines.
Quelques minutes de marche plus tard, je distingue finalement un immense bâtiment à l'horizon, sortant tout juste de la brume. Je distingue une brèche dans la muraille et pas mal de mouvement au loin...

J'oriente le groupe à l'opposé des mouvements de foule au loin, pour s'approcher petit à petit des murs du bâtiment, optant pour une direction à quasi angle droit, pour éviter au maximum de me faire repérer par cette foule inconnue en face (Marine ou pirates, je préfère éviter juste d'attirer l'attention).
On se plaque prudemment contre le mur, glissant tout du long, jusqu'à arriver à la brèche...
J'attends un moment, me fiant à mon ouïe...

-À terre, vite.

Je me plaque au sol, laissant quelques secondes plus tard un groupe de Marines sortir de la brèche et partir sur la grande plaine enneigée devant le bâtiment.

Patientant à nouveau, je finis par rentrer dans la prison, me précipitant de suite dans les ombres, le cœur battant à tout rompre...
Première étape, à savoir infiltrer la prison: check.

Lors d’une mission d’assassinat, écouter les conversations tout en restant caché permet bien souvent d’apprendre une information essentielle, d’éviter un piège ou de saisir une occasion ne figurant pas dans le plan originel. Et cela valait également pour une mission d’infiltration telle que celle qu’ils accomplissaient actuellement.
La conversation des deux hommes recelait de trésors, certains bien visibles et d’autres cachés. Dès qu’ils furent partis, Kardelya contacta le capitaine Anstis pour l’alerter. Elle avait immédiatement pris en compte l’information concernant les mines. Ils avaient également mentionné quelque chose qui avait immédiatement suscité l’intérêt du jeune homme : les Grygoriis. S’il avait bien compris, il s’agissait de singes recrutés par le Gouvernement Mondial pour servir de renfort, et ce, en échange d’un foyer et d’une cantine. Mais visiblement, une certaine directrice avait envoyé plusieurs équipes pour miner tout le terrain, sans tenter de préserver ledit foyer. Le baron connaissait l’existence d’une directrice dans l’entourage du GM, et s’il s’agissait bien de cette directrice-là, alors les deux hommes étaient des agents du CP… qui risquaient probablement de se mettre en travers de leur chemin. D’autant plus que si la directrice était là en personne, ils n’auraient absolument aucune chance de sortir vivants de cette opération. Ce genre de pensée venant un peu tard, Krypt l’enferma à double tour dans une cellule au fond de son esprit et se focalisa sur les Greygoriis.

Il ne devait pas s’agir de simples babouins s’ils étaient considérés comme un renfort sérieux. L’homme avait bien parlé de “bêtes sauvages” non ? Ils représentaient donc un danger potentiel… potentiellement utilisable à leur avantage. S’ils venaient à découvrir, par le plus grand des hasards, que la Marine avait rompu leur pacte en minant leur habitat, les promettant à une mort atroce s’ils venaient à rentrer à la maison, qu’elle pourrait bien être leur réaction ? Krypt se proposait d’être ce hasard et de se servir de son nouveau pouvoir pour informer les grands singes de l’existence des pièges explosifs et pour leur suggérer une solution : l’éradication pure et simple des saboteurs malhonnêtes. Un frisson d’excitation le parcouru. Ce trésor caché avait permis l’élaboration d’un plan à la fois génial et complètement stupide, avec autant de chances de mourir que de se retrouver à la tête d’une armée de singes géants, voir plus ! Mais il était là pour prendre des risques, pas pour rester caché dans un trou et attendre que tout soit fini.

Il allait falloir qu’il localise un Greygorii plutôt rapidement, voir plusieurs. Si ça fonctionnait, leurs chances de réussite allaient drastiquement augmenter, tout comme leurs chances d’être repérés. C’était le revers de la médaille.
Un autre détail avait retenu son attention. Son grand-père étant un expert en explosif, il l’avait suffisamment instruit pour qu’il sache qu’il n’y avait pas de fil à brancher sur les mines anti-personnelles. Ce genre de système se trouvait plutôt sur des explosifs de plus gros calibres. Deux options : soit la marine avait prévu plus gros en prévision de la présence de pointures, soit ces mines cachaient quelque chose de plus gros… Malheureusement, il n’avait pas le temps de vérifier. Quand bien même aurait-il pu analyser précisément les mines, il n’aurait pas pu toutes les désarmer si elles recouvraient l’iceberg. Par conséquent le plan restait le même, trouver Izya en vitesse et partir en vitesse, en embrigadant un ou deux singes au passage. Les mines rejoignirent donc la possibilité d’une mort certaine dans la cellule au fond de l’esprit de Krypt.

Après avoir laissé le groupe de Marine sortir par la brèche, ils avaient profité de l’absence de qui que ce soit pour pénétrer dans la prison et se mettre à l’abri dans un recoin. Puis le roux avait désigné le bout du couloir de son bâton, et la progression reprit. Encore plus lente, encore plus silencieuse, encore plus attentive. Le baron tentait de contrôler les battements de son cœur, mais ceux-ci refusaient de se soumettre à son autorité. Il n’y aura plus de recoins sombres où se terrer en cas de mauvaise rencontre, ça sera lui ou l’autre… Un soupçon de peur commença à pointer le bout de son nez, mais il fut immédiatement incarcéré dans la cellule mentale. Il fallait qu’il trouve les Greygoriis au plus vite !

Ils progressaient en tentant d’éviter les axes principaux, choisissant généralement les couloirs les plus étroits, les plus sombres ou ceux qui offraient le plus de couverture. Ils évitaient également les couloirs où il était impossible de se déplacer hors du champ de vision des curieux Escarméras de surveillances de la prison. Au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans la prison, les couloirs d’acier furent remplacés par des couloirs taillés à même la glace. Il régnait toujours un froid mordant, mais l’adrénaline permettait au petit groupe d’empêcher cette sensation de les atteindre, du moins pour un temps.

Ils ne communiquaient plus que par gestes simples. Krypt leur indiqua quelques signes basiques du langage des sourds : les directions, se cacher et élimination. Pour le moment, ils n’avaient connu aucune situation requérant ce dernier geste, mais il fallait parer à toute éventualité. Les décisions se faisaient à la fraction de seconde près, et ils parvinrent à éviter plusieurs fois la confrontation grâce aux réflexes de Kardelya qui menait ou au jeune homme en dernière position, dont Ghoul couvrait les arrières le plus silencieusement possible.

Il eut vite l’occasion de voir ses premiers Greygoriis. Un groupe de soldats traversa un couloir en courant, accompagné de deux de ses immenses singes et ils durent leur salut à un petit couloir parallèle, trop étroit pour les laisser passer si jamais ils les repéraient. À première vue, les bêtes étaient capables de briser la nuque d’un humain sans le moindre effort. La peur parvint à forcer la porte de sa cellule et traversa Krypt de part en part. Il n’aurait pas le droit à l’erreur lors de sa confrontation avec eux. L’un des singes s’arrêta presque à leur hauteur et huma l’air. Il tourna la tête dans leur direction et tous se figèrent… puis la bête rejoignit son groupe. Elle ne semblait pas les avoir vus, le couloir étant très sombre. De plus, ils s’étaient plaqués au sol.

Par sécurité, il fut décidé de mettre le plus de distance entre la créature et le groupe et ils poursuivirent vers le fond du couloir. Mais celui-ci ne faisait que déboucher dans une petite salle de garde, inoccupée pour le moment. Sans un mot, Kardelya s’approcha de ce qui semblait être un plan du secteur, puis fit signe à Abraham de la rejoindre pour qu’il en mémorise les moindres détails, du moins si sa mémoire était aussi bonne qu’il le prétendait.
Krypt fouilla également de son côté à la recherche d’un quelconque indice sur la nature des mines, la peur en s’échappant ayant également libéré ses interrogations à ce sujet.

Malheureusement, ses recherches furent de courte durée. Mibu, qui montait la garde, alarma tout le monde en leur tapant sur l’épaule. Dans le couloir menant à la salle, un lieutenant de la Marine s’engageait avec ses hommes. Un Greygorii se tenait à l’intersection, empêchant toute possibilité de fuite. Ils se placèrent de part et d’autre de l’issue et Kardelya leur fit le signe qu’ils redoutaient tant : élimination.

C'est vraiment étrange... Plus on s'éloigne des bruits de combats dans notre dos, moins je me sens sereine. Peut-être parce que ça indique que l'on s'enfonce petit à petit dans une base ennemie inconnue, sans aucune préparation.
Ce n'est pas la première fois que je dois m'infiltrer dans un bâtiment, mais le faire ainsi, sans faire de repérages auparavant, sans me renseigner sur les mouvements de troupes, les patrouilles... c'est tellement hasardeux comme manière de faire...
C'est pour ça que j'ai tout misé sur les actions de duo avec Mibu, afin d'être la plus apte possible à gérer les conflits, qui vont certainement finir par arriver. Cela m'étonnerait vraiment que les gardes soient tous partis sur le champ de bataille en surface.

Petit à petit, l'architecture change, la pierre laissant place à la glace et le froid gagnant petit à petit en intensité et en mordant.
On ne voyait toujours pas de cellules, mais on réussissait heureusement à éviter quelques groupes de gardes, accompagnés de... grands singes? Attendez... Ce sont eux, les fameux "Greygoriis" dont j'ai entendu parler plus tôt, avec les deux mercenaires? Je comprends mieux maintenant, pourquoi la Marine voulait les avoir dans leurs rangs; ces créatures ont l'air féroces et puissantes et leur odorat semble aussi assez développé. On a bien faillis se faire repérer à un moment et j'étais prête à lancer le combat, plutôt que de rester dans ce couloir et nous faire massacrer dans ce goulet d'étranglement... Mais heureusement, ils ont tracés leur route, mais l'avertissement est clair: plus on descend et plus le risque augmente. Seulement, je ne pense pas que l'on puisse être plus "prudents" que ce que l'on fait déjà, surtout compte tenus de la certaine urgence de la situation.
On doit récupérer le capitaine Izya assez vite et peu de solutions peuvent s'offrir à moi sur l'instant.
Libérer les prisonniers que l'on croise? C'est une possibilité, mais aussi un risque supplémentaire. Les gardes pourraient retourner à la prison juguler "l'évasion" et on se retrouverait bloqué entre deux feux... Mais à coté, je ne peux pas laisser les prisonniers moisir dans leur prison de glace...

Une petite salle de garde déserte est l'occasion pour moi de penser à autre chose et une première carte m'arrache un léger sourire. C'est idiot, mais je vois ça comme un petit signe rassurant. Je peux enfin mettre une image plus précise sur l'endroit que nous infiltrons, avec autant de facteurs défavorables.
Je laisse Abraham observer la carte, échangeant rapidement avec lui, en murmurant:

-Nous changerons nos places après les fouilles. Je fais confiance à votre mémoire, pour mieux nous aiguiller.
Après, concernant l'endroit à chercher, je dirai qu'il faut continuer à descendre. Le froid intense doit être un bon moyen pour les gardes de maintenir les détenus en respect et...

-Kardelya! Ils sont là!

Je tourne la tête, pour voir Mibu, resté de guet, le visage légèrement livide... et effectivement, la situation nous échappe complètement! Voilà qu'arrive dans le couloir une bande de Marines, un Lieutenant à leur tête, dégainant une épée bien tape-à-l’œil, brillante et semblant incrustée de pierres précieuses...
Un sabreur, hein?
Et... il y a un Greygorii qui bloque l'entrée!
Je prends à parti monsieur Barret et le baron SombreRivage:

-Baron, profitez de la mêlée pour vous glisser jusqu'au Greygorii et surveillez le bout du couloir, pour éviter que d'autres gardes arrivent. Je vais essayer de m'occuper du Lieutenant. Mibu, tu me couvres et monsieur Barret, vous couvrez Mibu.

Sachant pertinemment que Mibu était prêt au combat et à tester en situation réelle nos "simulations de combat", je me précipite de suite vers les Marines, qui passent devant le Lieutenant, fondant sur nous.
En pleine course, je bondis vers l'avant, plaquant mes mains au sol, avant de tournoyer sur moi-même, fauchant et balayant une dizaine de marines sur la trentaine qui chargeait avec mes jambes et le Rotating Kick.
Cependant, un éclat blanc fuse devant moi et je me jette comme je peux sur le coté, même si ça n'empêche pas l'épée du Lieutenant de me lacérer la hanche, avec la giclée de sang qui va avec.
Je me redresse comme je peux, prenant position comme je le voulais, pour bloquer le passage à d'éventuels gardes, qui seraient tentés d'aller chercher des renforts.

Grimaçant quelque peu, avec la balafre sur ma hanche droite, je fonce sur l'officier, lui assénant un Returned Kick, ma botte heurtant lourdement sa garde, avant qu'il ne tournoie sur lui-même, la lame manquant de me décapiter net, dans un mouvement d'une fluidité impeccable, avec un léger sifflement. Je fais un bond en arrière, avant d'encaisser une série de coups d'estocs rapides et précis, déchiquetant mes vêtements et mes hanches... Je rêve ou il vise ma blessure?!?
Je finis par trouver une faille dans son attaque d'estoc, saisissant fermement son poignet et son bras avec mes mains, le tirant à moi pour le déséquilibrer. Je profite de ce mouvement pour tourner sur moi-même et asséner un Mowed Kick sur sa hanche, l'envoyant s'écraser lourdement contre le mur du couloir.
Je ne perds guère de temps et enchaîne sur un Gatling Kick, pour encastrer d'avantage se type dans la glace, mais sa lame passe à travers mes coups et s'enfonce dans ma hanche, me faisant crier de douleur. Je me recule brusquement, observant une seconde ma blessure... Non, c'est bon, la lame ne s'est pas enfoncée trop profondément, mais l'avertissement est clair: ce Lieutenant ne va pas se laisser faire...

Je fais donc face au Marine, qui se tenait légèrement penché sur le coté, se massant la hanche de sa main libre, quelques traces de coups de bottes étalées un peu partout sur son corps, avec son épée pointée vers moi, mon sang perlant de la lame blanche.
De mon coté, je sais que je suis égratignée de partout et ma hanche me picote pas mal... Je devrais rapidement en finir avec ce combat, avant d'encaisser trop de petites blessures de ce genre.

Soudain, un léger souffle chaud me frappe de plein fouet, avec un étrange bruit. Je titube légèrement, reculant et m'affalant contre le mur, réprimant un haut-le-cœur comme je pouvais... Qu'est-ce que?
En face de moi, le Lieutenant présente les mêmes symptômes que moi, mais se ressaisit finalement en même temps que moi.


Mibu se rappelait bien ses divers entraînements avec Kardelya. Que ce soit pour les actions en duo ou même pour se battre seul, le jeune musicien avait pas mal progressé aux cotés de son capitaine, surtout parce qu'il ne voulait pas faire office de "poids mort" pour elle. C'es vrai quoi! Elle a choisi de le prendre sous son aile, lui prodiguant maints conseils et une grande attention; il ne peut décemment pas la décevoir, en ne sachant pas se débrouiller seul!

Observant patiemment les mouvements ennemis, Mibu voit Kardelya faire valdinguer quelques Marines, en laissant néanmoins passer une bonne partie... Il y a une vingtaine qui passe outre l'attaque du capitaine... Et il y a en a quelques uns qui commencent à se retourner vers elle! Non, elle doit s'occuper de couper la route à l'ennemi! Elle n'a pas le temps de s'occuper des soldats!

Mibu prend une grande inspiration, commençant à chanter, diffusant une onde sonore qui part vers les Marines. Une demi-dizaine de soldats se figent deux secondes, avant de commencer à attaquer leurs voisins, semant un semblant de chaos dans le groupe.
Une dizaine de Marines continue à fondre sur Mibu et les autres alliés et le jeune homme recule, chargeant son pistolet et commençant à viser...

Une sorte d'onde choc passe soudainement, frappant le musicien de plein fouet et le faisant tituber et tomber à quatre pattes, la tête tournant brutalement.
Avec une migraine passagère, Mibu se redresse difficilement, ravalant comme il pouvait le début de vomissures remontant sa gorge, tout tremblotant... Qu'est-ce qui s'est passé à l'instant?

En face, les Marines sont tout aussi perturbés et déstabilisés par cette onde de choc, mais ils finissent aussi par se ressaisir difficilement.

Sans réfléchir, Krypt s’élança vers le couloir. Même s’il avait horreur qu’on lui donne des ordres, il était bien forcé de reconnaître que celui-là concordait avec ses plans. Et il serait lâche de sa part de repousser plus longtemps sa confrontation avec un Greygorii alors qu’il en avait l’occasion.

Kardelya avait ouvert le chemin et engageait le combat avec le lieutenant. L’enfant, Mibu, et le roux affrontaient les soldats avec efficacité. Le jeune garçon avait une voix mélodieuse et enchanteresse. Ses adversaires se retournèrent les uns contre les autres, comme s’ils étaient sous l’emprise d’un puissant pouvoir hypnotique. Krypt n’avait jamais rencontré quoi que ce soit de semblable auparavant… Mais il était sur Grand Line, et il restait encore de nombreux phénomènes qui lui étaient inconnus. S’il se mettait à hésiter ou à prendre peur, il ne survivrait pas assez longtemps pour voir son rêve s’accomplir.

Alors il courait en évitant les combats, fonçant directement sur le singe en passant par le groupe sous l’emprise de la voix de Mibu. Trop occupés qu’ils étaient à s’entretuer, il put passer sans problème. S’il réussissait à accomplir son plan, alors ses compagnons allaient avoir une grosse surprise, mais s’il échouait cette surprise prendrait la forme de son corps désarticulé gisant dans le couloir qu’il était censé garder.
Il entra dans le couloir, Ghoul volant au-dessus de lui dans l’étroit espace. La bête l’avait vu venir et elle brandissait une énorme lance primitive. Elle pouvait totalement l’atteindre sans entrer dans le passage s’il s’approchait trop près de la sortie.
Le baron ralentit donc sa course et avança plus prudemment. Le Greygorii poussa un hurlement bestial et Krypt se figea, paralysé par un puissant frisson de peur qui le parcourait tout entier. Ce hurlement avait réveillé ses instincts animaux. Fuir. Fuir devant un prédateur. Fuir devant une menace plus puissante que soit. Fuir pour sauver sa vie.
Il fit un pas en arrière, puis un second. Sa main vint plonger sous son manteau pour agripper la crosse de son pistolet. Une goutte de sueur perlait sur son front, ses jambes tremblaient…
Il était totalement paralysé, ne pouvant ni avancer, ni même reculer. Il n’y avait que la mort qui l’attendait au bout du couloir. Que la mort. Aucun espoir.

Puis une puissante onde le frappa de plein fouet. Ca ne venait pas du singe. C’était plus fort encore, une pouvoir immense, une volonté qui écrasait la sienne et à laquelle il ne pouvait résister. Il tomba à genoux, puis face contre terre, l’écume aux lèvres. Ghoul vint s’écraser sur le sol à ses côtés. Il perdit connaissance quelques instants. La seule chose qu’il put ressentir avant, c’est que ce pouvoir n’était pas dirigé contre lui, il n’était qu’une victime collatérale, trop faible pour y résister. Trop faible...

Quand il reprit connaissance, il ne ressentit plus cet impressionnant pouvoir. Il se releva avec difficulté en s’aidant de sa canne et essuya la bave qui avait coulé sur son menton. Puis il fixa le singe qui semblait lui aussi déstabilisé. L’onde avait frappé sans distinction. Ghoul était toujours inconscient. Krypt avança, le laissant derrière lui quelques instants. Il ne voulait pas l’exposer au singe.
Il ne restait plus rien de la peur panique qu’il avait ressenti quelques instants plus tôt, elle avait complètement été remplacée par une puissante détermination. Non, il n’était pas trop faible. Il était le Baron Corbeau, représentant de la famille SombreRivage. Il allait affronter et vaincre chacun des dangers qui se présenteraient à lui et revenir sur North Blue en vainqueur. Il ne céderait pas. Il ne savait toujours pas si ce pouvoir était celui d’un allié ou d’un ennemi, mais il avait décidé d’en tirer parti.

Le regard de la bête se reposa sur lui et il le soutint sans broncher. Puis il projeta son esprit vers celui du Greygorii comme il avait appris à le faire pour Ghoul. Lorsqu’ils se rencontrèrent, le singe grogna puis tourna la tête, sondant l’espace autour de lui. Il avait senti le contact, mais ne parvenait pas à définir d’où il provenait. Puis son attention se reposa sur le petit être devant lui. Était-ce “ça” qui était dans sa tête ?

Krypt de son côté ne laissa rien paraître de son trouble, mais il ne s’était pas attendu à ce que cet esprit soit aussi emprunt de violence et de sauvagerie. Il se sentait minuscule à côté de ce colosse fait de muscles et de poils. Il se voyait à travers ses yeux, tel que la bête le voyait : un humain fragile et boiteux. Puis il sentit que la bête avait identifié le contact mental et une voix brutale, primitive, résonna dans sa tête.

-SENTIR TA PEUR HUMAIN. TOI PEUR. PEUR DE GREYGORII.
-Plus maintenant.
-SI ! TOI PEUR ! TOI FAIBLE ! MOI BRISER TES OS !
-Non. Tu es plus faible que moi.

Sa remarque provoqua un accès de colère chez la bête et elle poussa un hurlement télépathique qui fit grimacer Krypt. Il se retint de se prendre la tête entre les mains. Il ne devait pas paraître faible devant cette créature, après tout, dans la nature, l’ordre du plus fort prévalait. Il devait donc passer pour plus fort qu’il ne l’était, et il avait sa petite idée sur comment faire.

-MOI PAS FAIBLE ! TOI FAIBLE !
-Tu as senti mon pouvoir. Tu as senti ma force.

La bête hésita. Il devait la persuader que l’onde de pouvoir ressentie provenait de lui.

-FORCE ? TOI PROJETER FORCE SUR GREYGORII ?
-Ce n’était que le début ! Je peux te tuer sans que tu puisses m’atteindre.
-MENTIR ! ÊTRE FAIBLE MENTIR ! TOUJOURS MENTIR POUR VIVRE ! TOI ÊTRE À TERRE AUSSI QUAND POUVOIR FRAPPER GREYGORII !

Là, ça passait ou ça cassait. S’il parvenait à convaincre l’esprit primitif, alors c’était gagné.

-Mon pouvoir fonctionne quand je suis en contact avec le sol de glace.
-TOI AVOIR CONTACT AVEC MÈRE GLACE ? PAS POSSIBLE !

Mère Glace ? Certainement la divinité primitive de ces singes. Sur un iceberg, ce n’est pas si étonnant, ce n’est pas comme si ces animaux étaient capables d’un minimum d’imagination… Il fallait se saisir de toutes les occasions possibles.

-C’est Mère Glace qui me permet de communiquer avec les Greygoriis.
-PAS POSSIBLE ! SEULS GREYGORIIS AVOIR CONTACT AVEC MÈRE GLACE !
-Mère Glace m’a envoyé aux Greygoriis ! J’ai un message pour eux !
-MESSAGE ?

Maintenant, comment faire comprendre les notions de Gouvernement Mondial, de Marine et de soldats au singe ? Il ne devait pas connaître ces mots… À moins qu’il ne les ait appris au contact des occupants de la prison ? Dans le doute, Krypt fit appel à ses souvenirs pour produire une image mentale du lieutenant et des soldats qui se battaient dans la salle de garde pour la transmettre au Greygorii.

-Les soldats mentent ! Ils ont menti aux Greygoriis ! Ils ont piégé leurs tanières ! Ils vont blesser Mère Glace !
-PAS POSSIBLE ! PAS POSSIBLE BLESSER MÈRE GLACE !
-Ils ont caché des explosifs ! Des bombes, des mines !

Devant l’incompréhension du Greygorii, il dut de nouveau faire appel à ses souvenirs pour lui communiquer l’image d’une explosion détruisant tout sur son passage.

-Les faibles mentent pour rester en vie ! Ils ont menti aux forts Greygoriis ! C’est Mère Glace qui m’envoie pour prévenir les forts Greygoriis !
-DÉTRUIRE MÈRE GLACE ?!
-Oui, il faut protéger Mère Glace !
-PROTÉGER MÈRE GLACE ?!
-OUI ! SINON BOUM !

Ce singe était lent à la détente et Krypt perdait patience. Il devait réussir à le convaincre, il le fallait ! Puis il parvint à capter une pensée de la bête. Ce singe n’était qu’un simple guerrier, il obéissait au chaman, le chef de la tribu. C’était lui qu’il devait convaincre.

-Conduis-moi au chaman ! Je lui transmettrai le message de Mère Glace !
-COMMENT TOI CONNAÎTRE CHAMAN ?!
-Mère Glace m’en a parlé.

Le singe réfléchissait de nouveau et le baron tentait tant bien que mal de suivre son raisonnement à travers le lien télépathique, mais son pouvoir ne lui permettait pas de lire dans l’esprit de son interlocuteur et il ne saisissait que les brides que le Greygorii lui communiquait inconsciemment.
Mais visiblement, il était parvenu à convaincre celui-là. Dans l’esprit de la bête, il était logique qu’il ait de si grands pouvoirs s’ils provenaient de Mère Glace. Et seule Mère Glace pouvait lui permettre de communiquer avec eux ou lui apprendre l’existence du chaman, existence qu’ils cachaient même aux petits hommes de la prison. Alors s’il disait que Mère Glace était en danger, c’est qu’elle était en danger. Et le devoir des Greygoriis était de protéger Mère Glace.

-MOI CONDUIRE TOI À CHAMAN.
-Je ne suis pas seul, mes compagnons viendront également.
-QUI ÊTRE EUX !? EUX ÊTRE COMME SERVITEURS ? SI TOI AVOIR POUVOIR DE CHAMAN, ALORS TOI AVOIR SERVITEURS.

Krypt sourit, après tout, il était peut-être temps qu’il prenne en main le groupe. Et ce singe lui en donnait la possibilité.

-Ils sont mes guerriers, comme toi. Reste là je vais les chercher.

Il fit volte face et retourna vers la salle de garde. En chemin, il prit soin de ramasser Ghoul et de blottir le corbeau dans son manteau afin qu’il n’ait pas trop froid. Il était temps de voir où en étaient ses compagnons avec les soldats.
Il allait également devoir trouver une façon d’expliquer leur nouveau rôle à ses compagnons pour rester crédible auprès du singe. Ils n’allaient certainement pas apprécier...

Cette étrange onde de choc avait beau avoir semé le trouble et la confusion dans la bataille, je devais me ressaisir et retourner de suite au combat. J'ignore d'où vient cette "chose", mais ça n'annonce rien de bon et on perd aussi pas mal de temps avec ces types!

Fondant sur le Lieutenant, qui semble tout juste se remettre, j'assène un Breathable Kick, dans l'idée de lui couper la respiration et de l'affaiblir d'avantage, mais sa garde est toujours aussi solide et il oppose rapidement sa lame sur la route de ma botte. Heureusement qu'il n'a pas eu le temps d'opposer correctement le tranchant de sa lame, sinon je me coupai le pied de suite.
J'ai trop paniqué sur ce coup et j'ai voulu aller trop vite en besogne... Je n'ai pas tellement l'habitude de me battre contre des épéistes et plus ça va, plus je me dis qu'en face, l'épée est aussi dangereuse que l'épéiste qui la manie...

J'encaisse difficilement une nouvelle série d'estocs, avant de faire un bond vers l'arrière, esquivant une taillade horizontale, qui déchire mon manteau et fait une légère éraflure, qui picoté quand même pas mal. Je heurte lourdement le mur dans mon dos, alors que le Lieutenant se jette sur moi, l'épée pointé entre mes deux yeux... Et m...

Je penche vivement la tête sur le coté, laissant la lame s'enfoncer dans la glace et j'assène un violent Kicking of the Kick sous le menton du Marine, pour le projeter dans les airs, où il s'écrase lourdement au plafond, avant de tomber lourdement à terre, K.O et une petite mare de sang s'écoulant à l'endroit de son crâne.

Glissant le long du mur, le souffle court, je prends un moment ma respiration et conscience de la situation, plein de micro-pics de douleur me tiraillant un peu partout sur le corps.
J'observe un moment mon manteau d'hiver, déchiqueté et troué un peu partout, avec un peu de sang l'imbibant par-ci par-là. Bon sang... Ce sont les premiers ennemis que l'on croise dans la prison et j'ai frôlé la mort à deux trois reprises déjà...
Grand Line est vraiment un endroit terrifiant et pas du tout à prendre à la légère...

Tournant la tête à gauche à droite, j'observe chaque champ de bataille.
Mibu et monsieur Barret semblent gérer de leur coté et le baron... ne s'approcherait-il pas trop du Greygorii?!?
Je suis sur le point de me précipiter vers lui, mais je marque un temps d'arrêt... Le singe reste étrangement bien stoïque et il ne braque par le baron avec sa lance, alors qu'il est largement à portée... Avec les bruits de combat dans mon dos, je ne sais pas si le baron est en train de "discuter" avec le singe, mais bon, j'imagine que je peux juste surveiller du coin de l’œil cette situation à peu près "stable".
Je commence donc à me diriger vers mon matelot et notre autre équipier, pour apporter éventuellement mon soutien.


Avec un peu plus d'acharnement et l'aide précieuse de son partenaire, Mibu parvient à se débarrasser des autres gardes, en faisant s'endormir trois soldats, alors que les autres sont déstabilisés par l'assaut violent de monsieur Barret, qui semble vraiment bien se débrouiller en combat.
Le calme retombe et Mibu s'effondre à terre, toussotant quelque peu, la gorge commençant à lui faire mal. C'est compliqué de chanter avec ce froid...


En retournant dans la salle de garde, je ne peux que constater que mon renfort était inutile, monsieur Barret et Mibu ayant parfaitement géré la situation.
Observant les Marines étendus à terre, je réfléchis longuement... À force de descendre dans la prison, on va sans doute croiser plus de gardes et de Greygoriis et on ne peut pas prendre le luxe d'affronter d'avantage de gardes, avec le retard que ça engendre. Avec l’assaut pirate en surface, la mission de Ragnar, qui semble se dérouler au fin-fond de la prison et mon propre groupe, qui s'enfonce dans la prison, les risques de se faire repérer et de déclencher l'alerte sont de plus en plus grands...

Je retire mon manteau à la hâte, avant de retirer ses vêtements d'hiver au Marine le plus proche, échangeant nos vêtements. Avec les couleurs Marine sur nous, nous devrions gagner un sursis.

-Mibu! Monsieur Barret! Baron! Faites comme moi et échangez vos manteaux contre ceux des Marine! Si on peut gagner un peu de temps avec ses déguisements, ce sera déjà ça de pris!
Si une patrouille passe dans la salle, ils verront juste des corps habillés différemment des gardes et comprendront que les gardes et les intrus se sont entre-tués!
Ne perdons pas d'avantage de temps!

Une fois changée, je repars dans le couloir, mon regard se posant sur l'épée du Lieutenant, toujours enfoncée dans la glace... avant de récupérer l'épée et le fourreau à la ceinture du Lieutenant.
Je ne vais pas laisser traîner une arme aussi dangereuse dans un bastion ennemi et même si l'escrime n'est pas vraiment ma spécialité, j'imagine que diversifier ma manière de combattre peut toujours être utile... Mais bon, je verrai ça plus tard!

Retournant près du baron et du Greygorii, je marque prudemment un temps d'arrêt:

-... Baron, tout va bien?

Kardelya se porta à la rencontre de Krypt alors qu’il revenait vers la salle de garde. Elle avait revêtu les vêtements de l’un des soldats endormi par Mibu. C’était astucieux et cette décision concordait totalement avec le plan que le baron avait élaboré. Ainsi déguisés, il ne serait pas suspect qu’ils se déplacent en compagnie d’un Greygorii. Du moins, pas tant que les autres n’y regarderaient pas de trop près.
Tenant toujours Ghoul au chaud contre lui, il passa à côté de la jeune femme.

-Venez, je dois vous expliquer quelque chose.

Il regagna la salle de garde, Kardelya sur les talons, et s’approcha du corps de l’un des soldats. Il le soulagea de son uniforme, puis retira son long manteau noir avant d’enfiler prestement les habits du soldat. Sans son manteau, l’air glacé avait mordu sa chair plus violemment encore et le jeune homme fut bien content d’enfiler la chaude tenue de la Marine. Ils étaient bien équipés pour résister au froid de la prison… Il blottit de nouveau Ghoul tout contre lui et récupéra son pistolet avant de le glisser à sa ceinture.
Ensuite, il dégaina la lame de sa canne épée. Un soldat avec une canne serait plus que suspect, par conséquent, il fixa le “fourreau” à sa ceinture et conserva sa lame en main. De loin, elle pouvait passer pour une arme classique et le fourreau, fixé par un morceau de tissu à sa ceinture, pourrait faire illusion si personne ne se mettait dans l’idée de l’examiner de plus près. Krypt allait donc devoir poursuivre la mission sans l’appui rassurant de sa canne et il espérait que sa mauvaise jambe ne le trahirait pas au pire moment possible...
Bien que pouvant attirer l’attention, il ne put se résoudre à retirer ses verres teintés. Nul à part les membres de sa famille n’étaient digne de voir ses pupilles rouges, et rien ne pouvait changer cet état de fait pour lui. Si quelqu’un venait à l’interroger à ce sujet, il suffirait de prétendre qu’ils protégeaient ses yeux de la luminosité. Et si cette excuse ne suffisait pas, il aviserait… De manière violente.

La révolutionnaire l’avait observé pendant tout le temps que dura son petit manège, sans rien dire, mais avec une curiosité perceptible quant à ce qui s’était passé avec le Greygorii. Elle attendait des explications, c’était évident. Abraham aidait le jeune Mibu à se relever et à couvrir sa gorge. Son chant hypnotique avait été extrêmement efficace, mais il aurait visiblement du mal à chanter de nouveau avec ce froid. Ils se vêtirent tous deux rapidement puis se rapprochèrent. Du coin de l’œil, Krypt nota également que Kardelya portait l’épée du lieutenant dans un fourreau accroché à sa ceinture. Ce devait être une arme de très bonne qualité, mais du peu qu’il avait vu, elle se battait sans armes. Elle possédait donc également plusieurs atouts dans sa manche et devait être bonne escrimeuse… Il allait devoir s’en souvenir après ce qu’il s’apprêtait à dire.

-Tout d’abord, j’aimerais que vous sachiez deux choses : je ne vous ai pas dévoilé tous mes talents et je ne me justifierais pas auprès de vous pour cela. Mais il se trouve que dans la situation actuelle, je me vois obligé de vous en dire plus que prévu… Voilà : j’ai le don de communiquer avec les animaux et je m’en suis servi face au Greygorii qui se trouve au bout de ce couloir. Notre échange m’a non seulement permis de le convaincre de ne pas s’en prendre à nous, mais il m’a également permis de le convaincre de nous conduire au chaman, l’équivalent d’un chef de tribu d’après moi. Ce chaman devrait savoir où se trouve Izya, ce qui nous évitera de la chercher dans toute la prison et nous permettra de sortir plus rapidement de cet enfer.
Mais pour ce faire, j’ai dû le persuader que je suis le représentant de celle qu’ils nomment Mère Glace, une sorte de divinité, je crois, que vous êtes mes guerriers protecteurs et que je suis la source de la puissante onde de pouvoir que vous avez également dû percevoir...

Ses trois compagnons écoutaient le jeune homme sans bruit, emmagasinant d’un coup toutes les informations qu’il venait de leur transmettre et ce qu’elles impliquaient. Une nouvelle forme de méfiance s’installait au fur et à mesure qu’il parlait, après tout, dans une équipe avec une mission comme la leur la confiance était primordiale pour la survie. Découvrir qu’un coéquipier cachait certaines informations pouvait fortement déstabiliser cette confiance. Mais cette méfiance était contrebalancée par l’idée d’éviter l’affrontement avec la bête.

-Ainsi déguisés, nous pourrons avancer aux côtés du Greygorii sans attirer l’attention, peut-être même pourrai-je en attirer plus de notre côté ! C’est un avantage stratégique qui pourra jouer en notre faveur et le temps commence à nous manquer…

En effet, la prison tremblait et les échos de chocs violents résonnaient dans tous les couloirs. Un enfer de feu et de fer devait s’être abattu sur l’enfer de glace à présent… Peut-être même que les Libres-Capitaines en personne avaient commencé à intervenir. Si c’était le cas, la Marine allait certainement envoyer ses pointures et il fallait absolument que le groupe s’échappe de la prison avant que les combats n’atteignent leur apogée, le point où il serait impossible de sortir à l’air libre sans être mortellement blessé par toute la puissance déployée.
De plus, ces mystérieuses mines disposées sur l’iceberg agitaient toujours l’esprit du Baron Corbeau. Quelque chose clochait dans toute cette affaire... Et il comptait bien utiliser les Greygoriis pour en avoir le cœur net.

Ses compagnons restants toujours sans réaction, plongés dans leurs pensées, il s’impatienta.

-Soit vous m’accompagnez, soit vous partez de votre côté, mais l’heure n’est plus aux plans détaillés et à la réflexion. Si nous n’agissons pas maintenant, nous pourrons dire adieu à Izya et à nos vies par la même occasion !

Le moment de flottement n'est pas tant un moment de "pause" et ce n'est pas ce que je cherchais non plus. En plein opération d'infiltration, on ne peut guère se préoccuper de détails "mineurs", surtout mes multiples blessures, suite aux assauts féroces et rapides du Lieutenant.
De toute façon, nous sommes dans une salle de garde et de ce que j'ai pu voir sur le plan, il n'y a pas d'infirmerie dans le secteur. Et faire un détour pour mon "petit confort personnel" n'est pas inclus dans le plan; la mission avant tout.

Alors que nous nous changeons tous, j'écoute attentivement ce que m'explique le baron, haussant un sourcil à plusieurs reprises, restant cependant attentive au moindre de ses propos.
Ce qu'il explique me semble un peu gros... mais il y a pas mal de choses qui font que je dois mettre tout ça de coté. De ce que j'ai pu voir il y a peu, il était à portée de lance du Greygorii et aurait aisément pu se faire embrocher par ce dernier. D'une manière ou d'une autre, il a pu "canaliser" la férocité de ces créatures et je suppose que c'est le seul point à prendre en compte...
Et puis... je ne peux pas cracher sur de nouveaux alliés, surtout avec la nouvelle configuration que cet "endoctrinement" du baron pourrait apporter.

-Un Fruit du Démon?
Mais oui, je suppose que c'est encore mieux pour nous, surtout avec le fait que nous nous faisions passer pour des gardes à partir de maintenant. La présence des Greygorii à nos cotés devrait grandement nous aider à renforcer cette couverture, tout en nous donnant plus d'informations sur le capitaine Izya et sur la prison en général. Plus on en apprendra sur cet endroit et mieux ce sera.
Oui, effectivement, il commence à y avoir pas mal d'agitation sous nos pieds... J'ignore si c'est le personnel de la prison qui se réveille ou si ce sont nos alliés qui agissent dans leur coin ou les deux à la fois.
De toute manière, nous sommes trop enfoncés dans la gueule du loup pour pouvoir espérer retourner simplement sur nos pas. Continuons la mission, après avoir correctement couverts nos arrières.

Sur ce, je fais attentivement le tour de la salle, vérifiant que nos vêtements d'origine sont bien en place sur nos "remplaçants", avant de tourner la tête vers Krypt, remarquant le Greygorii derrière lui... Ses guerriers protecteurs hein? D'accord, jouons le jeu.

Je m'incline devant le baron, main sur le cœur:

-Guidez-nous, baron, nous vous suivrons jusqu'à la mort.

Mibu se place quelques secondes plus tard à mes cotés, s'inclinant devant le baron à son tour, semblant avoir compris aussi le plan, de même pour monsieur Barret.
Du coup, je laisse le baron et notre nouvel allié ouvrir le chemin, faisant un signe de la main à monsieur Barret, pour qu'il reste en arrière et visualise notre chemin, pour le retour.
Alors que nous allions nous mettre en route, un grondement sourd se fait entendre, avec une multitude d'explosions, qui semblent venir d'en haut, à ce que je pense être l'entrée de la prison... L'attaque pirate s'intensifie? Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle; on risque de se retrouver ensevelis, avec une prison de glace qui s'effondre sur nous...

Krypt ne répondit pas à la question de Kardelya. Même lorsqu’une réponse paraît évidente, il vaut mieux laisser planer un soupçon de doute. Ne jamais donner une information gratuitement, c’est ce qu’on lui avait apprit.
Ces compagnons avaient finalement accueilli la nouvelle avec moins de scepticisme que ce à quoi il s’était attendu et s’étaient immédiatement prêtés au jeu. Le Greygorii avait pu les voir s’incliner depuis l’extrémité du couloir et s’il était resté le moindre doute dans l’esprit primaire de l’animal, ce geste reconnaissable entre mille devait les avoir balayés.

Le baron fit un grand geste de la main pour leur permettre de se relever, de façon à ce que le singe puisse également bien le distinguer, puis il s’engagea de nouveau dans le couloir suivi de ses compagnons.

-Paraissons pressés, comme si nous savions exactement où nous allons. Le Greygorii mènera la marche. Ainsi, j’espère réduire un peu nos chances de nous faire interpeller par un autre groupe. Soyons également attentifs à éviter les gradés, ils pourraient nous mettre des bâtons dans les roues. Allons-y.

La voix de la bête résonna dans son esprit.

-ALLER VOIR CHAMAN ?
-Le plus rapidement possible.

Prenant sa consigne au pied de la lettre, le Greygorii se mit à courir dans le couloir, de plus en plus vite. Le groupe lui emboîta immédiatement le pas, sans réfléchir. La bête était très rapide et Krypt dut mettre en oeuvre tout ce qu’il avait appris du déplacement rapide pour ne pas le perdre de vue. Néanmoins, il savait que si cette course venait à se prolonger trop longtemps, sa jambe ne le supporterait pas et il finirait par être distancé.
Ils s’enfonçaient progressivement vers les étages inférieurs de la prison, rencontrant plusieurs escaliers taillés dans la glace. Durant leur course, une puissante alarme s’activa et leur vrilla les tympans. Le combat entre les pirates et les défenseurs de la prison devait faire rage plus haut, et ils croisèrent quelques soldats qui se dirigeaient vers la surface. Plus le temps passait, plus leur course en contre-sens attirerait l’attention. Le jeune homme espéra qu’ils trouveraient le chaman avant qu’on ne les arrête.
Au fur et à mesure de la course, le Greygorii les distançait et il leur était difficile de le conserver dans leur champ de vision. Krypt peinait à se maintenir à la hauteur de ses compagnons.

Ils finirent par rencontrer leurs premières cellules. Jusqu’à présent, ils s’étaient déplacés dans les couloirs de service ou réservés au personnel de la prison et aux soldats. Ils marquèrent un temps d’arrêt. Elles étaient ouvertes, toutes, et il ne restait plus aucune trace des prisonniers. De plus, ils n’avaient plus rencontré de soldats depuis un moment…
Voilà qui allait poser problème, s’ils tombaient sur des prisonniers en colère, leurs déguisements ne feraient que leur porter préjudices et leur faire perdre du temps. Krypt s’adossa contre une paroi et profita de cette petite pause pour déchirer une bande de tissu afin d’attacher Ghoul contre sa poitrine, libérant ainsi sa seconde main. Sa respiration était sifflante à cause de la douleur et sa mauvaise jambe tremblait. Ses compagnons semblaient en bien meilleure forme que lui, néanmoins, il refusait catégoriquement de se laisser distancer ou d’être celui qui ralentit le groupe.
Mibu et Kardelya examinaient une cellule en parlant à voix basse et Abraham semblait toujours occupé à graver le moindre détail dans sa mémoire. Il était intervenu plusieurs fois pendant la course pour leur préciser dans quelle direction ils se dirigeaient en se basant sur son souvenir de la carte de la salle de garde. Quant au Greygorii… il ne s’était pas arrêté.

Il avait continué de respecter la consigne du “porte-parole de Mère Glace” et devait foncer droit devant lui dans l’enchevêtrement de couloirs… Trop surpris par la découverte des cellules vides et ouvertes et trop accaparé par la douleur dans le cas de Krypt, ils n’avaient pas pensé à arrêter la bête. Erreur stupide. La zone de cellules dans laquelle ils se trouvaient étant coupée par de nombreux couloirs, ils seraient bien en peine de trouver celui que le grand singe avait emprunté. Le regard du baron se posa sur Abraham.

-Il semblerait...
...monsieur Barrett...
...que nous allons...
...avoir besoin...
...de votre mémoire...
...pour continuer notre route...

Ses paroles étaient entrecoupées de pauses durant lesquelles il tentait de récupérer le contrôle de son souffle.

-Je voulais justement profiter de cette pause pour vous parler d’une chose qui m’intrigue.

La jeune femme et l’enfant se rapprochèrent des deux hommes.

-Sur la carte, il se trouvait une zone étrange nommée Kelvin 0, vers laquelle nous semblons nous diriger depuis tout à l’heure. C’est l’une des seules pièces dont je n’arrive pas à deviner l’utilité. Elle est située au cœur de la zone cellulaire, placement étrange… Pour un nom étrange, le zéro absolu...
-Peut-être une cellule spéciale destinée aux spécimens les plus dangereux ? Il doit certainement y faire bien plus froid que dans le reste de la prison. Un bon endroit pour commencer nos recherches, en attendant que ce singe constate notre absence, si du moins il la constate un jour. Si la capitaine Izya est enfermée quelque part, c’est certainement dans une zone comme celle-là.

Le groupe se remit donc prudemment en route, guidé par le roux. Krypt boitait et peinait à rester très attentif à son environnement. Ils entendirent un rugissement bestial droit devant eux, suivi d’un grand fracas. Soit ils se dirigeaient vers les ennuis, soit il s'agissait des ennuis qui se dirigeaient vers eux.

Je ne savais pas trop quoi penser du fait que l'initiative parte à gauche à droite comme ça. Un coup c'est monsieur Barret qui ouvre la marche, un coup c'est le baron, un coup c'est notre "nouvel allié" Greygorii... Mais qu'est-ce que je peux faire d'autre? Traîner d'avantage dans cette prison peut s'avérer dangereux, avec ou sans tenues Marine, avec ou sans les "troupes" de la prison de notre coté.
Le baron soulève effectivement un soucis, avec les gradés qui pourraient avoir des doutes en nous voyant débouler ainsi, en sens inverse à la bataille. Il faudrait d'ailleurs que j'invente une histoire bidon, pour justifier le fait que nous nous enfoncions dans la prison...

Je finis par secouer vivement la tête:

-Ne perdons pas d'avantage de temps. Les pirates semblent passer à la vitesse supérieure et les Marines ne vont guère tarder à suivre le mouvement et on risque à chaque instant de se prendre littéralement la prison sur la tête. Libérons nos alliés au plus vite et on pourra ensuite se concentrer sur l’évacuation de la prison; un problème à la fois.

Sur ce, nous partons à toute vitesse, suivant le Greygorii qui s'enfonçait dans la prison de glace et au fur et à mesure, nous prenions de plus en plus conscience de la situation qui s’envenimait. Entre les mouvements de troupes qui se faisaient de plus en plus intense, les grondements, tremblements qui agitaient la prison, c'était de plus en plus complexe de réfléchir posément.
Ce qui est étrange cependant, ce sont les cellules de prisonniers ouvertes. Je ne me souviens pas avoir croisé des bagnards sur notre route et c'est une autre donnée à prendre en compte. Si on tombe sur des prisonniers en révolte, avec nos tenues actuelles, on risque de devoir affronter deux fois plus d'ennemis...

Alors que nous poursuivions notre course, je remarque un "détail" préoccupant... Le Greygorii nous sème?!? Bon sang, il court bien plus vite que nous et je constate que le baron commence à peiner.
Même moi, je commence à fatiguer, avec des piques de douleur un peu partout sur mon corps, là où le Lieutenant m'avait blessé... Génial... absolument génial...

M'éloignant quelque peu du groupe, me rapprochant d'une cellule, je m'affale contre le mur et glisse tout du long, le souffle court, je frictionne mes bras comme je peux, pour garder une certaine chaleur dans mon corps.

Mibu s'accroupit près de moi, complètement blême:

-Kardelya... Tu saignes?!?

Je soupire longuement, observant mon manteau blanc de la Marine virer au rouge à quelques endroits. Mais non... C'est encore bon... Les blessures ne saignent pas tant que ça, au vu des petits points de sang à gauche à droite. Je sens les vêtements coller à ma peau et aux plaies, faisant des bandages improvisés.

Je secoue doucement la tête, tapotant l'épaule de Mibu avec un sourire rassurant et en me redressant:

-Ça ira, ne t'en fais pas... Ce ne sont que des égratignures... Avec le froid et les vêtements qui me collent à la peau, les plaies sont déjà pas mal bandées et refermées... Concentrons-nous sur la mission...

Je récupère mon souffle à mon tour, me rapprochant du baron et de monsieur Barret, qui parlait d'une nouvelle donnée à prendre en compte... Le Kelvin 0?

-Peut-être une cellule spéciale destinée aux spécimens les plus dangereux ? Il doit certainement y faire bien plus froid que dans le reste de la prison. Un bon endroit pour commencer nos recherches, en attendant que ce singe constate notre absence, si du moins il la constate un jour. Si la capitaine Izya est enfermée quelque part, c’est certainement dans une zone comme celle-là.
De toute manière, nous avons perdus notre guide, alors nous ne pouvons plus compter que sur nous-même.
Allons-y!

Me frictionnant de nouveau les bras, je secoue vivement la tête, pour me remettre les idées en place, sentant le regard inquiet de Mibu me transpercer la nuque.
Je devais tenir...

La marche avait repris, plus lente, chacun se tenant sur ses gardes comme si un bataillon de marine ou de prisonniers en colère pouvait débarquer à tout moment… Le froid était toujours aussi désagréable, les manteaux chauds de la marine les protégeaient plus que leurs anciens vêtements, mais étaient loin de les couper totalement de la température ambiante.
Des bruits sourds et étouffés leur parvenaient, signe que le combat continuait ailleurs dans la prison. Plus inquiétant encore, ils avaient de nouveau entendu des rugissements et des cris de terreurs et de douleur et étaient tombés une fois sur un groupe de prisonniers complètement déchiquetés.
Quelque chose rôdait dans les couloirs, traquant ceux qui s’étaient enfuis, et rien ne pouvait leur assurer que leurs déguisements de soldats suffiraient à les protéger. Il régnait donc une tension presque palpable tandis que Kardelya, Mibu et Krypt remontaient les couloirs, guidés par Abraham vers le Zéro Kelvin.

Le baron luttait contre le froid qui engourdissait ses doigts autour de la garde de son arme et qui s’infiltrait sous ses vêtements et contre la peur qui menaçait de prendre le dessus. Il avait déjà vécu des moments difficiles au cours de ses missions, mais n’avait jamais été confronté à une telle situation. Il n’était que trop conscient que cette prison regorgeait de monstres de puissances contre lesquels il ne vaudrait pas mieux qu’un insecte.
Pour la première fois depuis longtemps, il était cruellement conscient de sa propre faiblesse et elle lui faisait peur. Il voyait ses chances de survivre à l’expédition diminuer de minutes en minutes et une petite voix au fond de lui l’implorait de faire demi-tour.
Il n’était qu’un simple infirme tentant de s’imposer dans un monde dans lequel il ne faisait pas le poids...
Après tout qu’est-ce que ça lui apporterait de mourir bêtement dans cette prison, pour une cause qui ne le concernait pas ?! Il pouvait regagner les Blues, s’entraîner d’avantage et retourner sur Grand Line plus tard ! Il n’était pas pressé, il pouvait rester dans l’ombre un peu plus longtemps… À quoi bon risquer sa vie et celle de Ghoul ?
Sa fierté faisait la sourde d’oreille et l’empêchait de céder à cette peur qui, s’il la libérait, le dévorerait complètement. Fuir maintenant n’était même pas envisageable, il le savait quand il s’était engagé dans cette expédition. De plus, rejoindre la surface serait certainement autant dangereux, voir plus, que de continuer dans ces couloirs…
Krypt s’accrochait donc à ces pensées, coûte que coûte. Il espérait que Mephisto, Ulul et Apollon s’en sortait à la surface.

Mibu fut le premier à détecter un mouvement dans un couloir adjacent. Il passa le mot à Kardelya qui le transmit au reste du groupe. Ils se sentaient épiés, suivis sans pour autant parvenir à savoir par qui. Ils accélérèrent de nouveau le mouvement, se préparant à une éventuelle confrontation à chaque fois qu’ils parvenaient à une intersection. Ils n’avaient plus entendu de rugissement depuis un moment et ils étaient bien conscients qu’ils allaient peut-être découvrir pourquoi plus rapidement qu’ils ne le désireraient.

Dès que l’un d’entre eux détectait une présence, ils bifurquaient pour s’en éloigner, toujours menés par Abraham. Mais quoi qu’ils fassent, la sensation d’être observés ne disparaissait pas. Dans certains couloirs, il flottait des relents d’odeur animale, comme si une bête s’était tenue là et avait disparu à leur approche. Ils évitaient tout particulièrement ces couloirs-là et rebroussaient chemin dès qu’ils en rencontraient un.

Le groupe dû de nouveau ralentir, non seulement pour le jeune homme, mais également pour Kardelya. Elle était pâle et les taches rouges sur son manteau s’étalaient. Mibu se tenait près d’elle et la regardait, autant inquiet qu’impuissant. Krypt de son côté tentait de reprendre son souffle et de repousser les vagues de douleurs successives, si bien que c’est Abraham qui donna l’alerte le premier.
Il s’était avancé un peu plus loin dans le couloir pour vérifier qu’ils continuaient bien dans la bonne direction, malgré la présence des mystérieux observateurs. Arrivé à la hauteur d’un embranchement, il fit soudainement demi-tour et courut vers le groupe, paniqué. Deux Greygoriis surgirent alors à sa suite et bouchèrent complétement le passage. Le temps que ses camarades comprennent ce qu’il se passait, les autres couloirs furent à leurs tours occupés par de grands singes, certains armés de lances et d’autres de lourds gourdins.

À première vue, ils devaient être une dizaine à encercler l’équipe, menés par leur ancien guide, le Greygorii avec qui Krypt avait prit contact. Somme toute, ils en avaient perdu un pour en retrouver 10...

L'avancée dans les couloirs glacés de la prison se fait de plus hasardeuse et épuisante pour moi. Même si les vêtements collaient à mes blessures, il reste le problème du sang coulant et imbibant mes vêtements de rouge. Le froid m'engourdissait aussi pas mal et je passai mon temps à me frictionner vivement les bras, tout en restant le plus mobile possible, pour éviter de tomber dans les pommes.
Il fallait que je continue à avancer, que ce soit pour la mission, mais aussi pour Mibu et Ragnar... Je ne peux pas rester en arrière comme ça, alors que mon capitaine n'a de cesse de venir en aide à ce monde. Quant à Mibu... j'ai depuis longtemps oublié le fait de me "servir" de lui, pour atteindre un Tenryubito, pour me concentrer sur le fait d'en faire un bon matelot et un allié de choix pour moi.
Pour ces deux-là, je ne pouvais juste pas mourir aujourd'hui, entre quatre murs de glace perdus au milieu de l'océan.

Alors que nous poursuivons notre descente dans les profondeurs de la prison et cette fameuse section "Kelvin 0", tout s’enchaîne de nouveau très vite.
Cela faisait un moment que nous n'avions plus croisés de gardes, de Greygoriis ou de soldats de la Marine et cela me laissait bien songeuse. Est-ce que tout le personnel est remonté à la surface, pour affronter les pirates? Est-ce qu'ils sont partiellement descendus dans les plus basses profondeurs, pour protéger ce qui peut bien s'y cacher, à savoir les dangereux prisonniers?
Alors que j'étais perdue dans mes pensées, j'entends divers bruits autour de moi et sortant de ma "torpeur", je vois des Greygoriis poursuivre notre éclaireur et nous finissons par nous faire encercler par une dizaine de gros singes!

Je grimace de douleur et frustration... On ne fait que descendre à l'aveugle, se basant sur monsieur Barret et on n'a pas de résultats probants, si ce n'est toujours plus d'ennuis... Je sais pertinemment que cette mission ne peut pas être de la rigolade... mais à ce point-là?
Je me mets en position de combat, par prudence, tout en lançant au baron, d'une voix sifflante:

-Baron... Vous pensez pouvoir user de nouveau de vos pouvoirs, pour nous ouvrir la route?

C'était bien la seule solution que je pouvais avoir en tête... Dix Greygoriis à la fois, c'est ingérable pour moi; je pourrai peut-être en abattre un ou deux, mais je finirai par me faire submerger et massacrer...
Là encore, je dois me reposer sur les autres, ce qui me frustre encore d'avantage...
Plus ça va et plus cette mission m'échappe...

Comme pour "justifier" la catastrophe qu'est cette mission, les Greygorii se jettent sur nous, semblant avoir très peu de patience.
Deux gorilles fondent sur moi et j'accueille le premier d'un violent coup de pied au niveau de sa tempe, l'expédiant sur le coté, pour le faire s'écraser contre un mur de glace, l’assommant sur le coup.
Cependant, mes blessures percent au-delà de ma poussée d'adrénaline et me bloquent une demi-seconde, me faisant grimacer de douleur au passage et le deuxième assaillant profite de cette petite fenêtre de tir, pour m’asséner un violent coup de massue au niveau de la hanche, me projetant sur le coté avec un cri de douleur. Bordel, j'avais pas besoin d'au-moins deux cotes cassées, avec mes autres blessures!
Un troisième singe s'avance vers nous, alors que Mibu se place devant moi, son pistolet braqué sur le deuxième singe, visant... et tirant une balle en plein dans son œil droit. La détonation de l'arme et le hurlement de douleur du primate des glaces se confondent un temps et résonnent sur les parois de glace aux alentours, faisant vriller mes tympans un moment.

La vue trouble par le choc de la massue, j'entends un violent coup et un cri de douleur, alors que quelqu'un me tombe lourdement dessus et je ne mets pas longtemps à comprendre que c'est Mibu qui s'est fait frapper à son tour.
Me redressant difficilement, je secoue vivement ma tête pour me remettre les idées en place, donnant un coup de pied que j'espérai plus puissant, mais qui suffit à fracasser une massue du Greygorii dernièrement arrivé.
Semblant frustré, ce dernier se jette sur moi, me plaquant contre le mur de glace, enserrant ma gorge de ses grosses mains... Cette brute veut m'étrangler?!?

Je gesticule et donne plusieurs coups de pied dans l'estomac de ce gorille, qui grimace de douleur sans plus, tout en resserrant sa prise sur mon cou.
Ma vue se brouille de nouveau, alors que mes blessures hurlent leur douleur de nouveau. J'entends Mibu crier sur ma gauche, alors que je vois le troisième Greygorii quitter mon champ de vision. J'entends plein de bruits autour de moi, des cris bestiaux, des bruits de combats épars qui finissent par s'éloigner pour la plupart...
Tout part en vrille et je n'arrive plus rien à suivre...

Non... Ça ne peut pas finir ainsi... Pas comme ça...